Dans sa lutte pour l’égalité des droits hommes-femmes dans le domaine de la science, Jessica Wade a décidé d’utiliser Wikipédia comme plateforme d’action. En effet, elle a créé plus de 1800 pages sur l’encyclopédie en ligne pour ne parler que des femmes scientifiques de premier plan. Pour comprendre ses motivations et son action, nous sommes allés à sa rencontre.
La voix des sans voix !
Comme Kim Cobb, climatologue américaine, de nombreuses femmes scientifiques ont toujours eu de la peine à exister dans le domaine de la publication scientifique. Mais, c’était avant que Jessica Wade ne s’érige en superwoman des temps modernes. C’est à cette dernière que la climatologue doit son apparition sur l’encyclopédie en ligne. Jessica Wade a même affirmé : « J’ai immédiatement été impressionnée par cette femme et ses recherches. Elle est d’une intelligence rare et ses découvertes ont considérablement aidé la science ». Après des recherches infructueuses sur le moteur de recherche Google, la scientifique constate que sa consœur n’est pas mentionnée sur Wikipédia. Ses confrères masculins du Giec, Ed Hawkins et Piers Forsler, sont pourtant répertoriés. Jessica va donc décider de rédiger sa biographie, pour la publier. Le début d’un combat féministe.
« Wikipédia est une plateforme connue mais surtout lue par tous. Et qui comportent de grosses lacunes concernant la représentation des femmes », dénonce Jessica Wade. Une position qui est confortée par les statistiques, car seulement 19% du contenu Wikipédia concerne les femmes : « Non seulement nous n’avons pas assez de femmes en science mais nous ne faisons pas assez pour célébrer celles qui sont présentes ». Alors, « Tous les jours, depuis 5 ans, j’écris une biographie sur une femme scientifique. Je n’ai jusqu’ici jamais manqué d’inspiration », explique Jessica Wade.
La scientifique en est aujourd’hui à plus de 1800 biographies de scientifiques femmes dans l’encyclopédie en ligne, c’est même devenu une routine. « C’est une routine qui m’enrichit beaucoup. C’en est même devenu une addiction ». Avec pas moins d’une vingtaine d’onglets ouverts, la scientifique creuse, fouine, dans le but de combler ce vide.
Le phénomène Matilda
L’une des femmes dont la biographie rédigée par Jessica inspire le plus, c’est Gladys West, mathématicienne afro-américaine à qui on doit le système GPS, Ijeoma Uchegbu. Plus encore, ses recherches en nanosciences pharmaceutiques ont fait avancer les soins contre le cancer et June Lindsey, qui a participé à la découverte de l’ADN qui aura valu le prix Nobel à Maurice Wilkins et James Watson. « C’est si peu de choses que d’écrire les biographies de femmes dont le travail a participé à changer le monde », s’exclame Jessica Wade.
Wikipédia, par et pour les hommes
Jessica Wade n’est pas la seule scientifique à avoir cette opinion sur la plateforme, Rémi Mathis, ancien président de Wikimédia France assure que Wikipédia est une structure où règne une atmosphère misogyne. « Quand on est à 80 % d’hommes plutôt jeunes, c’est possible qu’il y ait une ambiance un peu trop “blagues sexistes”, explique le spécialiste. Cette atmosphère est hostile aux femmes qui préfèrent s’en éloigner ». Anne Melin, fondatrice des Expertes, pense quant à elle que : « Les femmes sont absentes des livres d’histoires et continueront de l’être si nous ne changeons pas le narratif d’exclusion de genre. Il est donc logique qu’il y ait une écrasante majorité de biographies portant sur les hommes ».