La France compte en moyenne 200 000 femmes qui souffrent chaque année de fausse couche et la plupart ne sont pas suivies psychologiquement. Certains traversent après cette épreuve une période de stress et d’angoisse, se demandant si elles devraient encore envisager une nouvelle grossesse. Pour bon nombres d’entre elles, la solution, comme le préconise l’OMS, c’est d’attendre au moins 6 mois. Même si aujourd’hui plusieurs médecins recommandent de ne pas attendre. Alors, après une fausse couche, faut-il attendre avant de tomber enceinte ou se lancer directement après ? Un sujet qui prend tout son sens quand on sait que l’Assemblée Nationale a récemment voté une loi en faveur d’un meilleur accompagnement.
Une expérience douloureuse et difficile à digérer !
« Je voulais retomber enceinte car on voulait toujours un deuxième enfant. Mais le lendemain, mon utérus était vide et j’étais loin d’en avoir fini avec cette grossesse arrêtée. L’aspiration, c’est bien, rapide, on ressort sans problème, en tout cas dans mon cas. Mais les jours qui ont suivi, je continuais à mettre la main sur mon ventre, comme si j’étais encore enceinte. J’ai vécu une petite chute d’hormones, comme un mini post-partum », a confié Sandra Lorenzo, ex journaliste et autrice du livre «Une fausse couche comme les autres ». Une interruption de grossesse que la jeune maman a très mal vécu, surtout qu’elle avoue n’avoir remarqué aucun symptôme de fausse couche. Une expérience qui laissera des traces, car une fois chez elle, elle va être envahie par la tristesse et des inquiétudes.
Pire encore, elle avait du mal à s’imaginer à nouveau tomber enceinte alors qu’elle essayait encore de digérer cette brutale perte. « Ça n’avait pas de sens : alors que la première avait donné naissance à un enfant, pourquoi cette grossesse s’était-elle arrêtée ? J’avais peur que cela se reproduise, mais aussi de l’oublier en retombant enceinte. Je m’étais beaucoup projetée, j’avais imaginé l’enfant à venir », lance-t-elle. Avant de conclure : « Je ne peux pas parler de deuil, car je n’ai pas perdu un enfant. J’ai fait le deuil d’un projet. Si dans mon livre et mon podcast je parle du fait que j’avais donné un prénom à l’embryon à l’époque, aujourd’hui je ne suis plus vraiment à l’aise avec cela ».
Accueillir la tristesse pour se projeter dans une autre grossesse
Pour Mathilde Bouychou, psychologue spécialisée dans les questions périnatales et animatrice du podcast « Parentalités » : « Si les soignants parlent des arrêts de grossesse comme quelque chose de fréquent, voire de banal, pour certaines femmes, on parle déjà d’un enfant car il est investi affectivement, fantasmé. Pour d’autres, c’est une grossesse qui s’arrête, car la dimension de la perte d’un enfant est beaucoup moins prégnante ». Selon la spécialiste, il est très difficile de se lancer dans un nouveau projet de grossesse quand on n’a toujours pas fait le deuil de la précédente grossesse.
La psychologue conseille d’accepter la tristesse pour tenter d’avancer. « Vivre et traverser pleinement la tristesse de la perte est la première étape pour aider les femmes. La société a tendance à minimiser ce qu’elles ont vécu, parce que cela se passe dans l’intimité. Parfois l’entourage, les amis, ne sont même pas au courant qu’elles ont traversé un arrêt de grossesse. Il arrive donc qu’elles enfouissent leur tristesse, mais pour pouvoir investir une autre grossesse et un autre enfant, il faut déjà pouvoir dire au revoir à ce bébé qu’elles ont perdu, note la spécialiste. Il est important de dire aux femmes qu’elles ont le droit d’être tristes. Ce sentiment ne va pas les submerger, ni les anéantir. Pour accueillir cette peine, je leur propose de symboliser le bébé ou la grossesse par un petit objet qu’elles incluent à leur quotidien. Elles peuvent lui donner un nom – pas un prénom – « petite étoile », « plume ».